Les consommateurs vis-à-vis de l’économie circulaire

ING vient de publier un rapport portant sur les attitudes des consommateurs vis-à-vis de l’économie circulaire (Learning from consumers : How shifting demands are shaping companies’ circular economy transition – A circular economy survey | ING all rights reserved). L’envergure et la dispersion géographique de l’échantillon de consommateurs étudiés rendent les résultats très pertinents. Trois secteurs d’activité sont étudiés à la louche, dont l’alimentation, les appareils électroniques et celui qui nous intéresse le plus, l’habillement !

Notre dernière recherche sur l’économie circulaire, une étude mondiale portant sur 15 000 consommateurs, révèle que 83 % d’entre eux pensent que leur propre comportement et leurs choix de consommation peuvent avoir un impact positif sur la résolution des problèmes environnementaux mondiaux.” (traduit de l’anglais de (ING, 2020, p. 3))

Ce rapport se base sur un sondage réalisé sur un échantillon de 15 000 personnes dont 1000 provenant de chacun des pays suivants :  France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Angleterre, Australie, Chine, Inde, Japon et Singapour et enfin 5000 provenant d’Amérique du Nord. Il s’agit d’un échantillon représentatif de chacun des marchés au niveau de l’âge, du genre et des revenus.

Pour commencer, voici quelques-uns des chiffres clefs. Dans ce rapport nous apprenons que 49% des consommateurs seraient prêts à payer un peu plus cher les produits s’ils avaient l’assurance que le produit ait été fabriqué de manière écoresponsable. 59% des consommateurs se disent plus influencés qu’auparavant par l’impact environnemental des produits qu’ils consomment. 61% des consommateurs seraient moins enclins à payer un produit qui proviendrait d’une entreprise qui ne prend pas sa responsabilité environnementale sérieusement. L’impact environnemental du produit est le quatrième facteur le plus influent après, dans l’ordre, le prix, la qualité et la commodité. 38% des consommateurs ont déjà boycotté les produits d’une entreprise pointée du doigt pour ses mauvaises pratiques environnementales.

Le rapport souligne que malgré la prise de conscience des consommateurs, le passage à l’acte vers une consommation plus écoresponsable rencontre quelques barrières. En effet les consommateurs perçoivent la consommation écoresponsable comme demandant plus d’effort. Or, seule une minorité des consommateurs sont prêts à faire les efforts supplémentaires requis pour une consommation écoresponsable. C’est là le plus grand paradoxe, la majorité des consommateurs sont conscients des problèmes et souhaitent leurs résolutions, mais ils ne sont pas prêts à faire des efforts pour changer leurs habitudes pour consommer différemment.  Le rapport cite par exemple le chiffre de 41% des consommateurs qui pensent que louer leur vêtement demanderait beaucoup plus d’effort. Les quatre principales barrières relevées dans le rapport sont: Le manque de sensibilisation et d’éducation à la consommation écoresponsable, le rapport souligne par exemple que 41% des consommateurs de produits électroniques ne savent pas où ils peuvent faire réparer leurs équipements.  Le manque d’infrastructure circulaire et leurs commodités est également cité comme barrière à la consommation écoresponsable. Le prix est également présenté comme l’une des quatre barrières principales. Et pour cause, 54% des consommateurs préfèrent choisir des produits peu chers issus de la fast fashion plutôt que des produits plus chers et plus durables.  Enfin, le manque d’autonomie de la part des consommateurs est mis en avant. En effet, 48% des consommateurs disent par exemple qu’ils ne sont pas capables de réparer des vêtements.

« Il existe une menace réelle pour les entreprises qui n’agissent pas, car les consommateurs sont prêts au boycott : 59 % d’entre eux sont de plus en plus influencés par l’impact environnemental d’un produit lorsqu’ils prennent leurs décisions d’achat. Et ils deviennent frustrés par les marques qui ne les informent pas suffisamment ; seul un cinquième des consommateurs sont convaincus que les entreprises leur donnent une image complète de l’impact environnemental de leurs produits. » (traduit de l’anglais de (ING, 2020, p. 3))

Le rapport catégorise les consommateurs en trois groupes en fonction de leurs liens à l’économie circulaire. Les Non-Engagés représentent 42% des consommateurs, ils sont définis par le fait de ne pas prendre en compte l’aspect environnementale dans leurs choix de consommation et sont très sceptiques sur le fait que leurs choix de consommation puissent avoir un impact sur les challenges environnementaux auxquelles nous faisons face.  Les Sympathisants Circulaires représentent 30% de l’échantillon, ils sont définis comme étant majoritairement (72%) prêt à payer un peu plus pour des produits comportant des garanties en terme de respect de l’environnement, mais ne sont majoritairement pas prêt à faire des efforts pour par exemple recycler ou réparer les produits.  Enfin, les Champions Circulaires représentent 28% des consommateurs. Dans cette catégorie, les consommateurs sont plus sensibles aux impacts environnementaux d’un produit qu’à son prix. Ils sont, dans ce groupe, 87% à être prêts à faire plus d’efforts pour recycler et réparer les produits qu’ils consomment.

Penchons-nous maintenant sur les données concernant le secteur de l’habillement. En relation avec ECY-TWIN, le chiffre le plus important du rapport fait état de 22% des consommateurs qui seraient prêts à louer leurs vêtements de travail ou leurs tenues de tous les jours. Voici comment se décomposent ces résultats en fonction du type de vêtement et de la catégorie du consommateur.

Figure 1: Graphique provenant de (ING, 2020, p.17), touts droit réservé ING

Les consommateurs sont plus prêts à louer des vêtements chers pour un évènement unique que de louer leurs vêtements de travail ou leurs vêtements de tous les jours. Sans surprise, ce sont les consommateurs appartenant au groupe des non-engagés qui sont le moins enclins à louer leurs vêtements. Par contre, le groupe le plus enclin à le faire est celui des sympathisants circulaires. Deux fois plus que le groupe des Champions Circulaires. Le fait que le groupe des sympathisants circulaires est le plus enclin à se tourner vers la location de vêtement s’explique par la composition de ce groupe. En effet, il est constitué de jeunes consommateurs urbains. Le levier principal, pour 37% des sympathisants circulaire, est le fait que cela soit pratique si l’on a prévu de ne porter le vêtement qu’une seule fois. Dans cette même catégorie, le fait que cela soit moins cher (que d’acheter) est le second levier (34%), suivi de l’environnement (33%) et du fait que cela économise de l’espace dans la garde-robe (31%).

Le rapport identifie des efforts qui doivent être faits de la part des entreprises afin d’accélérer la transition de la fast fashion vers une consommation plus durable. Tout d’abord, des efforts de transparences doivent être entrepris de la part des entreprises pour permettre aux consommateurs de faire des choix en tout état de cause. D’autres parts, le prix étant toujours le facteur choix numéro 1, des incitants financiers doivent être mis en place pour pousser vers une consommation écoresponsable. Il faudrait par exemple mettre en place des incitants financiers pour que les consommateurs rapportent aux fabricants les produits textiles en fin de vie afin que ceux-ci puissent être réintroduits dans le cycle de production. Un effort de promotion des nouveaux business models tel que celui de la location de vêtement devrait également être fait de la part des entreprises afin de pousser vers une consommation écoresponsable. Enfin, le dernier effort concerne la phase de design des produits, qui devraient être pensés dès le début pour pouvoir être désassemblés et recyclés, c’est-à-dire éco-conçus ! Cela passe également par un design collectif, c’est-à-dire une mise en réseau des différents acteurs de la chaine de valeur pour prendre en compte les besoins de chacun.

Finalement, Le rapport met en lumière le fabricant Patagonia pour ses engagements envers l’économie circulaire. En effet, Patagonia fait figure de pionnier, notamment de par la mise en place d’un service de réparation de ses produits textiles au milieu des années 70. Mais également en lançant un programme de vente de produits de seconde main en 2017. Patagonia pense actuellement à lancer un service de leasing ou de location.

Le rapport complet est consultable à l’adresse suivante :

https://www.ingwb.com/media/3076131/ing-circular-economy-survey-2020-learning-from-consumers.pdf

Auteur: Hélie Moreau